Raconter la pêche artisanale et le quotidien des femmes et des hommes qui la pratiquent, c’est ce que nous vous proposons régulièrement dans la rubrique « en ligne », via un court échange avec une personne engagée pour la transition vers une pêche durable. Aujourd’hui, direction la Seine-Maritime, avec Fabienne Damman, armatrice du bateau Le Mareï Junon avec son mari, et conjointe collaboratrice.
Comment exercez-vous votre métier ?
Avec mon mari, nous sommes les armateurs d’un bateau, Le Mareï Junon. C’est un fileyeur – caseyeur, de 10,70 mètres, avec lequel on fait aussi un peu de ligne et de palangre. Il y a un gros effort de pédagogie à faire sur la pêche artisanale. Je suis parfois appelée par des clients pour avoir du poisson frais, les jours de tempête. Nous, on ne revend rien. Quand les conditions météos sont difficiles, le bateau reste à quai. Et lorsque mon mari pêche au filet, il faut deux jours minimum de beau temps à suivre. La première journée pour poser les filets et le lendemain pour les récupérer.
Quel est votre rôle en particulier ?
Depuis 8 ans, je suis conjointe collaboratrice à Saint-Valéry-en-Caux. Auparavant, j’étais enseignante. Je suis petite-fille de Terre-Neuvas et fille de marins-pêcheurs. La mer, j’ai ça dans le sang. La mer, c’est la liberté, l’horizon, l’espace.
Quand la météo est clémente, je suis à l’étal de 9h-9h30 à à 14h-15h environ. On a principalement de la sole, et bien sur en fonction des saisons, du bar, du hareng, un peu de carrelets, mais ça se raréfie, du turbot, de la barbue, un peu de maquereaux, du chien de mer, des rougets, tourteaux, homards et bulots. Il faut manger du poisson de saison. Pas de bars en février et mars, c’est la période de reproduction. Et j’ajoute que ce ne sont pas les poissons les plus chers les meilleurs !
J’aime ce que je fais. Mais on vieillit, physiquement c’est parfois difficile. Heureusement j’aime discuter avec les clients, voir les yeux des enfants devant nos beaux poissons. On rencontre des gens passionnants.
Comment voyez-vous l’avenir de la pêche artisanale ?
Une de nos filles souhaitait reprendre le métier. Elle a grandi, elle aussi, au milieu des récits de pêche. C’est dans la continuité familiale. Nous on lui dit non, ce n’est plus possible. En 8 ans, la ressource a drastiquement diminué. Quand on a commencé, on pêchait environ 80 kg par jour, on est arrivé à 30 kg aujourd’hui. La ressource n’est plus là. Pourtant on a un rôle à jouer, nous les petits. On connait cette ressource, on est au plus prêt. On représente la filière courte entre le « producteur » et le consommateur; de la mer à l’assiette.
Il y a 20-25 ans, on pouvait vivre très décemment du métier de marin – pêcheur. Aujourd’hui on vivote. A plus de 50 ans, c’est difficile. Le matériel de pêche s’est amélioré mais les prix s’effondrent lorsqu’il y a de l’apport. Il faut pêcher moins mais mieux, laisser le temps aux poissons de se regénérer, sinon on scie la branche sur laquelle on est assis.