Il y a une semaine, Pleine Mer organisait une manifestation à Saint-Malo contre le plus grand chalutier pélagique du monde : le Annilies Ilena. Plus de 200 personnes, ont rejoint cette mobilisation, qui fut un grand succès médiatique. Cependant, certains détracteurs nous opposent le discours suivant : « Ce bateau va pêcher des merlans bleus qu’il transformera en surimi. Or les merlans bleus ne sont pas pêchés par les pêcheurs artisans, donc ce bateau n’aura aucun impact sur la pêche artisanale ». Ce discours est évidemment réducteur, et nous proposons quelques pistes de réflexion dans cet article.
Le Alennis Ilena, le plus grand chalutier du monde, vient d’être racheté par la Compagnies des pêche de Saint Malo avec l’apport de capitaux hollandais. Il remplace le vieux Joseph Roty II sorti de flotte, et exploitera notamment le merlan bleu au large de l’Irlande, pour en faire du surimi. Il utilisera pour cela les quotas de pêche français libérés par le retrait du Joseph Roty II.
Cependant, le modèle de pêche sera différent puisque le Alennis Alena est trop grand pour rentrer dans le port de Saint Malo. Le poisson sera donc débarqué dans un port hollandais, une partie de la débarque sera acheminée à Saint-Malo par camion pour fournir l’usine de surimi, et une autre partie sera exportée dans le monde entier.
De plus, le nouveau bateau est presque 2 fois plus grand que l’ancien : on peut donc légitimement se demander s’il se contentera uniquement du merlan bleu.
On peut donc résumer la situation ainsi : un bateau gigantesque, à capitaux hollandais débarquera du poisson en Hollande, en utilisant des quotas de pêche attribués à la France, le tout au profit de quelques riches armateurs et au détriment des ressources marines, sans bénéfice d’aucune sorte pour les pêcheurs français. En d’autres termes, quelques armateurs industriels hollandais pillent les quotas français pour développer un modèle de pêche dont les pêcheurs artisans ne veulent pas.
En plus de cela, les quotas du Joseph Roty II ne seront certainement pas suffisant pour rentabiliser le Annilies Ilena dans lequel le géant néerlandais Parleviet van der Plas vient d’investir 15 millions d’euros via la compagnie des pêches de Saint-Malo. Il va donc être nécessaire de procéder à des échanges de quotas pour que ce nouveau bateau soit rentable. Et qui sera impacté par ces échanges de quotas ? Les pêcheurs artisans. En effet, les quotas échangés réduiront le volume de poisson qui pourra être pêché par les pêcheurs artisans, pour le seul bénéfice des industriels de la pêche.
Comme suggéré par Didier Gascuel dans un post Linkedin, on peut proposer d’étudier un autre schéma :
1. La France refuse d’attribuer des quotas de merlan bleu à ce navire qui est de toute façon sous capitaux néerlandais et sous pavillon Polonais. Motif de ce refus : cette pêche ne peut pas être durable, ni pour la biodiversité marine, ni pour les pêcheurs artisans qui en dépendent.
2. La France se retrouve donc sans bateau pour exploiter son quota de merlan bleu (précédemment exploité par le Joseph Roty II), et la Hollande se retrouve sans quota pour faire tourner les navires qu’elle prétend opérer. On négocie donc un échange sur le marché des quotas : on peut ainsi échanger du quota de merlan bleu français et récupérer en échange des quotas de maquereau et de hareng de Manche (deux espèces que les super chalutiers hollandais viennent piller sous le nez des pêcheurs artisans, jusque dans les eaux territoriales)
3. La France attribue ces quotas supplémentaires de maquereau et hareng aux petits pêcheurs côtiers, très demandeurs en Normandie et dans les Hauts de France. La pression de pêche des super chalutiers diminue dans la Manche puisque les quotas attribués au super chalutiers diminuent dans cette zone.
Bilan : les industriels peuvent fabriquer du surimi et les pêcheurs artisans français respirent grâce aux quotas de maquereau et de hareng, la Manche est protégée des industriels néerlandais qui y détiennent moins de quotas de pêche qu’auparavant.
Pour en apprendre plus sur les super chalutiers et les lobbys de la pêche industrielle, n’hésitez pas à consulter l’étude que nous avons publié avec nos camarades du Transnational Institute.
Bonjour,
je ne prends connaissance de ce message qu’aujourd’hui, 1er août 2024…
Et je trouve intéressant ce cas qui pourrait devenir un cas d’école susceptible de se reproduire.
La solution proposée par Didier Gascuel, évoquée dans le texte publié par Thibault Josse le 22 février 2024, me parait logique et à priori équitable dans son principe…
J’aimerais savoir si la situation a évolué, si des accords ont été trouvés, des décisions prises, ou si la situation est inchangée, oupire, dégradée…
Bien cordialement