Nous vous en parlions lors du lancement de la carte des circuits courts de la filière pêche, le moment est venu : voici une liste d’engagements pour une pêche locale. Ces engagements sont issus d’un travail de plaidoyer réalisé avec les pêcheurs et les consommateurs rencontrés lors de la première année du projet pêche locale, et leurs principales doléances sont résumées dans les 6 engagements suivants :
- Reconnaître le caractère légal et vertueux des circuits courts dans la filière pêche
- Soutenir pêcheurs et consommateurs dans le financement du matériel nécessaire à la mise en place de circuits courts
- Donner plus d’autonomie aux citoyens et aux pêcheurs dans la gestion de leurs systèmes alimentaires
- Réaliser un travail de pédagogie avec l’ensemble des acteurs concernés sur le bien fondé des systèmes de circuits courts
- Engager un travail de plaidoyer auprès des parlementaires pour autoriser la transformation du poisson par les pêcheurs
- Organiser des évènements culturels réunissant pêcheurs et consommateurs de poisson
Vous trouverez ici notre communiqué de presse, et ci-dessous le détail de ces engagements.
1. Reconnaître le caractère légal et vertueux des circuits courts dans la filière pêche
L’Ordonnance de Colbert reconnait aux pêcheurs le droit coutumier à vendre leur poisson sur les quais du port, en direct des consommateurs. Vendre son poisson en direct est donc parfaitement légal, que ce soit dès le retour de la pêche, sue des étals, sur un marché, ou via une AMAP. De plus, le poisson vendu en direct passe en général en Criée, quand celle-ci est présente sur le port.
Cependant, la vente directe de produits de la pêche est victime d’une mauvaise image : par exemple, le quai où les pêcheurs vendaient traditionnellement leur poisson à Concarneau est désormais appelé « quai des voleurs »
Les élus ont le devoir de redorer le blason d’un système vertueux, qui bénéficie à la fois au pêcheur, au consommateur et à l’environnement. Cette reconnaissance de l’importance des circuits courts passe par un investissement des municipalités pour faciliter l’installation d’étals sur les quais, comme c’est par exemple le cas à Boulogne-sur-Mer, à Calais ou encore à Etaples, des communes qui ont institutionnalisé la vente directe car elles ont bien compris les avantages multiples que ce système procure.
Il est aussi nécessaire d’inciter les citoyens à acheter du poisson en direct des pêcheurs, en communiquant à ce sujet, mais aussi en les encourageant à créer leurs propres systèmes de circuits courts, comme les AMAPs qui permettant d’instaurer un contrat entre pêcheur et consommateur : le consommateur s’engage à payer le poisson à un prix juste, tandis que le pêcheur s’engage à utiliser des méthodes de pêche durables.
2. Soutenir pêcheurs et consommateurs dans le financement du matériel nécessaire à la mise en place de circuits courts
La vente directe demande bien souvent du matériel adapté : des étals pour présenter le poisson aux consommateurs, une chambre froide pour conserver le poisson, l’eau et l’électricité à disposition, des locaux … autant de choses qui coutent cher et que les consommateurs et les pêcheurs ne peuvent bien souvent pas financer eux même.
Les municipalités ont un rôle direct dans le financement des ce matériel, mais aussi dans la recherche des fonds nécessaires : le Fond Européen Pour la Pêche (FEAMP) a par exemple permis financer de nombreux étals de la côte Normande et de la côte méditerranéenne, en cofinancement avec les municipalités et les collectivités territoriales concernées.
Enfin, il est souvent nécessaire de rénover les structures existantes pour des raisons légales ou administratives, et les mairies travailler aux côtés des producteurs pour financer la mise aux normes de leurs installations.
3. Donner plus d’autonomie aux citoyens et aux pêcheurs dans la gestion de leurs systèmes alimentaires
Si le rôle des élus est de faciliter la mise en place des circuits courts, ils doivent aussi laisser de l’espace aux pêcheurs et aux consommateurs pour gérer de manière autonome leurs systèmes alimentaires. L’exemple Méditerranéen montre bien que les prud’homies (organisations de pêcheurs artisans) ont permis la mise en place et l’auto-gestion des infrastructures nécessaires à la vente directe : machines à glace, chambres froides et étales sont à disposition des pêcheurs, qui les gèrent comme ils l’entendent.
Dans la même idée, la création de l’AMAP de l’Ile d’Yeu est en partie responsable du maintien de la pêche sur l’île, suite à la fermeture de la criée. Les pêcheurs ont su s’adapter aux changements de la filière, et prendre les bonnes décisions pour maintenir leur activité traditionnelle.
Consommateurs et pêcheurs peuvent ainsi travailler ensemble pour soutenir et développer les systèmes alimentaires dont ils dépendent, mais aussi protéger l’environnement dont ces systèmes alimentaires dépendent. En effet, certains projets municipaux peuvent avoir des impacts forts sur l’environnement marin (clapage, polderisation, rejets industriels, …) et les élus doivent d’engager à accéder aux revendications citoyennes quant à la préservation du littoral.
4. Réaliser un travail de pédagogie avec l’ensemble des acteurs concernés sur le bien fondé des systèmes de circuits courts
Certains acteurs de la filière sont susceptibles de voir le développement des circuits courts comme une concurrence au travail des criées, des mareyeurs ou des poissonniers. Les élus municipaux doivent donc faire un travail de pédagogie, et expliquer clairement que le développement des circuits courts est une diversification des modes de valorisation dont disposent les pêcheurs, et non une tentative de court-circuiter les autres acteurs de la filière.
En effet, dans les ports de Saint-Jean-de-Luz ou des Sables d’Olonne par exemple, des pêcheurs souhaitant pratiquer la vente directe se sont vus envoyer la police municipale, et il est intolérable que les pêcheurs soient traités comme des criminels lorsqu’ils souhaitent simplement vendre leur poisson en direct des consommateurs.
Au contraire, le port de Capbreton est devenu célèbre grâce à son fameux « marché des pêcheurs », et les poissonniers, spécialisés dans la vente de produits semi-transformés et de plateaux de fruits de mer, prospèrent eux aussi. La vente directe n’est donc pas une affaire de compétition mais de diversification, et les acteurs de la filière doivent être rassurés à ce sujet.
5. Engager un travail de plaidoyer auprès des parlementaires pour autoriser la mise en filet du poisson par les pêcheurs (dans le cadre de la vente directe)
Les élus municipaux doivent s’engager à développer un travail de plaidoyer auprès de leurs collègues de l’assemblée nationale, afin de d’amender le code Rural, pour que les pêcheurs aient la possibilité de mettre leur poisson en filet lorsqu’ils le vendent en direct du consommateur. Si des formations sont nécessaires pour des raisons hygiéniques, les élus doivent permettre aux pêcheurs d’accéder à ces formations, et fournir les moyens nécessaires à l’organisation de ces formations.
L’idée n’est pas de demander au pêcheur de réaliser le travail des poissonniers, mais simplement de permettre au pêcheur de s’adapter aux habitudes de consommations quand c’est nécessaire.
6. Organiser des évènements culturels réunissant pêcheurs et consommateurs de poisson
Fête du Hareng-roi à Etaples, fête du Thon à Saint-Jean-de-Luz, dégustations d’espadon à la plancha à Hyères … autant d’évènements qui permettent aux pêcheurs de partager leur passion avec les consommateurs, et de créer du lien social autour d’une activité traditionnelle : la pêche maritime.
Les élus doivent rendre possible ce type d’évènement, qui ouvrent l’espace pour des débats autour de la pêche locale, ses pratiques et leur durabilité.
Nous invitons toutes les listes électorales qui se reconnaissent dans ces principes de justice sociale et environnementale à nous contacter aux adresses suivantes, afin de discuter ensemble des projets des territoires qui permettront de soutenir la pêche locale :
association_pleine_mer@riseup.net brainecharles@yahoo.fr