Franck Romagosa est pêcheur aux petits métiers à Saint Cyprien, sur le PETIT DAMIEN, une vedette de 9 mètres.
7 ans déjà que Franck se bat pour obtenir un AEP (Autorisation Européenne de Capture) thon rouge. Franck ne demande pas la lune : une tonne de quota par an pour les petits métiers serait suffisante selon lui : « Une tonne par an, ça permet de pêcher en moyenne 1 thon par semaine. Avec un thon par semaine, vendu localement, on peut générer 35 000 € par an, ce qui va permettre d’employer un matelot et donc de générer de l’emploi local. De plus, en pêchant le thon rouge, on diminue la pression sur les autres espèces de poisson »
Malgré son combat, Franck n’a toujours pas obtenu d’AEP thon rouge. Selon lui, en plus de la taille de son bateau, l’âge est aussi un critère discriminant, et il dénonce un système de répartition qui n’est pas transparent : « Au début, la France avait inscrit l’âge comme critère pour obtenir un AEP, puis ce critère a été interdit, car discriminatoire. Mais dans les faits, comme je suis proche de la retraite ils ne veulent pas me donner d’AEP, alors que certains qui sont déjà à la retraite conservent leur AEP. C’est un système assez opaque et le meilleur moyen pour avoir du quota … c’est le piston ! »
D’autres pêcheurs aux petits métiers soulignent aussi les aberrations du système : « Le thon rouge pêché par les senneurs avec le quota français n’arrivera jamais sur le marché français : tout est vendu au Japon ! Et avant ça les thons sont engraissés dans des cages au sud de l’Espagne, avec du poisson bleu pêché par des chalutiers géants au large des côtes africaines. Pendant ce temps là le consommateur français mange du thon que l’on va piller au large des Seychelles. C’est une série d’injustices pour les pêcheurs artisans locaux »
Pourtant, comme le disent tous les pêcheurs artisans, le thon rouge serait un véritable cadeau pour l’économie locale : « Un thon rouge vendu en tranches à l’étal ou en circuits courts, ça permettait de faire connaitre aux gens un produit magnifique, de dynamiser de nombreux commerces, et ça sauverait certaines entreprises de pêche en difficulté. »
« On pêcherait les thons un par un, à la canne, en relâchant ceux qui sont trop petit, et en préservant la ressource. Mais au lieu de cela on préfère engraisser des milliardaires en leur donnant des centaines de tonnes de quota». En effet, l’année dernière, le plus gros armateur de thonier, qui possède déjà 1300 tonnes de quota, s’est vu offrir 200 nouvelles tonnes de quota, « grâce » au système des antériorités de capture : ceux qui ont le plus pêché sur des années de référence sont ceux qui obtiennent le plus de quota, concentrant plus de 80% droits de pêche dans les mains d’une douzaine de familles.
Franck ne peut s’empêcher d’être nostalgique du temps où il pêchait le thon rouge avec son père, « à une époque où le thon n’était pas engraissé dans des cages mais débarqué sur le quai, et où l’économie locale profitait de ce cadeau donné par la mer ». Les temps ont bien changé, mais combattre les injustices faites aux pêcheurs artisans reste une priorité.