Mobilisation contre le plus grand chalutier pélagique du monde ! 

Etude préalable au projet

Etude préalable au projet

Hauts-de-France et Normandie

Que ce soient dans les Hauts-de-France ou en Normandie, les pêcheurs ont accès à des aubettes ou des étals directement sur le port, ce qui leur permet de vendre le poisson en direct, soit lorsqu’ils rentrent de mer, soit quelque temps après. Les prix étant plus intéressants en direct, les pêcheurs essayent de vendre la majorité de leurs produits sur les étals afin de valoriser au mieux le produit de leur pêche. Ainsi, pour certaines entreprises, la vente directe représente parfois 100% de la vente, surtout en été, et en moyenne 50% du chiffre d’affaire des entreprises de pêche sur l’année. Le pêcheur emploie souvent un ou deux vendeurs qui se chargent de valoriser le poisson sur les étals, la pêche représentant déjà un temps de travail important. Les femmes de pêcheurs font souvent partie des employés à la vente.

Dans un contexte de surpêche de la sole dans les Hauts-de-France, les pêcheurs signalent que la vente directe est souvent ce qui leur permet de s’en sortir, car les prix restent élevés, et même une faible quantité de poisson permet de dégager un chiffre d’affaire suffisant. Bien sûr, certaines productions comme le bulot sont peu adaptées à la vente en directe, étant donné le caractère quantitatif et mono-spécifique de ce type de pêche. Au contraire, les crustacés sont très bien valorisés, à des prix tout à fait raisonnables comparé à d’autres régions. Comme l’explique un pêcheur de Calais :

 « Le prix du homard ne dépasse jamais 22€ le kilo : on est dans une région en crise, il ne faut pas l’oublier si on veut vendre nos produits. Mais nos collègues bretons sont très étonnés que l’on puisse vendre à des prix aussi peu élevés et tout de même bien gagner nos vies »

Bretagne

Il n’y a que très peu d’étals de vente directe situées dans les ports bretons pour diverses raisons : contraintes légales, CCI en conflit avec les pêcheurs, concurrence avec les mareyeurs … Mais cela ne signifie pas que la vente directe n’est pas développée en Bretagne. En effet, de nombreux pêcheurs ont un utilitaire aménagé leur permettant de travailler sur les marchés locaux ou régionaux. De plus, certains pêcheurs ont installé des étals chez eux, afin que leur clientèle puisse avoir accès à leur production. Enfin, l’absence d’étals n’empêche pas la traditionnelle vente « au cul du bateau », directement au retour de la pêche.

Cependant, du fait de la diversité des méthodes de vente directe, il semble que les consommateurs aient du mal à accéder à l’information nécessaire pour s’approvisionner directement auprès des pêcheurs. Une cartographie en accès libre permettrait de résoudre ce problème. Enfin, la Bretagne la première région de la pêche française, et il semble étonnant que les pêcheurs qui le souhaitent ne puissent pas avoir accès à des infrastructures adaptées à la vente directe dans les ports. Un travail de plaidoyer auprès des collectivités locales et des CCI sera donc nécessaire.

Pays de la Loire et Nouvelle Aquitaine

Ces deux régions semblent être celles où la vente directe est la moins développée. Certains pêcheurs travaillent sur les marchés ou vendent une partie de leur production en direct à la débarque. Cependant, ceux qui essayent de pratiquer la vente directe semblent avoir de nombreux problèmes, les mareyeurs n’hésitant pas à exercer des pressions sur les CCI et les collectivités locales, comme entendu de nombreuses fois aux Sables d’Olonne, à Noirmoutier ou à Saint-Jean-de-Luz. Capbreton semble être la seule exception notable en terme de vente directe sur les ports, avec sa quinzaine d’étals bien connues qui font le bonheur des touristes lors de la saison estivale.

Alors que certains pêcheurs utilisent la vente directe en dernier recours pour sauver leur entreprise de pêche, certains vont même jusqu’à être criminalisé par les autorités locales, et il est arrivé plusieurs fois que les gendarmes expulsent les pêcheurs de leur zone de vente, suite à des pressions exercées sur les communes par les mareyeurs ou la CCI. Il semble donc qu’un important travail de pédagogie et de plaidoyer soit nécessaire pour soutenir de développement de la vente directe dans les ports de ces deux régions.

Malgré les remarques précédentes, un autre système de vente directe a du succès en Nouvelle Aquitaine et dans les Pays de la Loire : l’AMAP poisson. On peut citer l’exemple de l’AMAP de l’Ile d’Yeu qui a permis à l’île de conserver des pêcheries dynamiques alors que la criée locale avait fermé. Cette AMAP approvisionne des consommateurs de nombreuses villes des pays de la Loire, et elle est entièrement autogérée par les pêcheurs. Dans ce genre de système, les consommateurs payent en avance ce qui est sécurisant pour les entreprises de pêche.  

Méditerranée

La vente directe de poisson dans les ports fait partie des traditions de la côte Méditerranéenne. Ainsi, les infrastructures sont adaptées à cette pratique, et chaque port possède ses étals, qui jouxtent les quais des bateaux de pêche.  Ainsi, c’est parfois la totalité du poisson qui est vendu en direct, en général entre 9 et 12h, en effet le contexte est très différent de la côte Manche-Atlantique : les pêcheurs méditerranéens sortent moins longtemps en mer, ne sont pas dépendants des marées, débarquent des quantités de poisson moins élevées et ont donc plus de temps à consacrer à la vente directe.

Ainsi, il semble que la méditerranée soit l’endroit où la vente directe est la mieux développée et implantée. Cependant, les pêcheurs constatent une grosse différence entre la saison touristique lors de laquelle quasiment 100% du poisson est vendu en direct grâce à la forte affluence, et la saison hivernale lors de laquelle la vente aux locaux ne suffit pas à écouler la production en directe. Les  pêcheurs sont donc obligés de vendre une grosse partie de leur production en Criée, et certains arrêtent même la vente directe lors de la période hivernale.

Lorsqu’on essaye de dresser un bilan à l’échelle nationale, il est clair que la pré-étude confirme l’utilité du projet « Pêche locale ». Tout d’abord, après avoir discuté avec de nombreux pêcheurs sur tout le littoral français, il ressort très clairement que ceux-ci sont très enthousiastes quand on leur explique les objectifs du projet et les actions envisagées. En voici citation que l’on peut retenir des interviews réalisées auprès des pêcheurs :  

Ainsi le projet de Pleine Mer est loin d’être « Hors-sol » mais au contraire, il est ancré dans les réalités économiques et sociales de la filière pêche. De nombreux pêcheurs pratiquent déjà la vente directe mais manquent de visibilité pour rendre cette activité pérenne. De plus, certains souhaiteraient se lancer dans la vente directe mais n’ont jamais franchi le cap à cause des nombreuses contraintes logistiques, et ce projet pourrait leur servir de levier. Enfin, ceux qui subissent des pressions en ce qui concerne la possibilité de pratiquer la vente directe peuvent compter sur l’association Pleine Mer pour résoudre ce genre de difficultés.

Maintenant que la pré-étude a permis à l’association de mieux comprendre le contexte national et les contextes locaux, la prochaine étape sera d’identifier toutes les entreprises de pêche qui souhaitent apparaitre sur la cartographie. Cette étape permettra aussi d’identifier les pêcheurs qui souhaiteraient faire partie de l’application pêche locale, afin de discuter avec eux de leurs besoins en ce qui concerne les contenus de cette application. En parallèle, l’association développera son site internet afin d’y intégrer la cartographie, les résultats des études de terrain, et du contenu de sensibilisation, tout en continuant à agrandir sa communauté qui compte déjà un petit milliers de followers sur Facebook. Enfin, l’idée est de lancer la cartographie officiellement à l’été 2020, pour que les consommateurs aient accès à toute l’information nécessaire pour consommer du poisson localement, avant le lancement de l’application à l’horizon 2021.

Pleine Mer réalise actuellement les démarches nécessaires pour obtenir des financements du Fond Européen pour les Affaires Maritimes et pour la Pêche, et est aussi en contact avec des fondations pour compléter ces financements. De plus, l’organisation internationale URGENCI a proposé à Pleine Mer de travailler en collaboration sur un projet européen sur les « Community supported fisheries », avec d’autres organisations de pêcheurs européennes. Enfin, le soutien de la fondation Humus est actuellement indispensable au lancement du projet et nous espérons continuer cette collaboration.