Suite à l’appel du 26 mai 2020, des centaines de pêcheurs artisans se sont mobilisés sur tout le littoral pour faire de cette journée la journée nationale du thon rouge. Ils seront nombreux à informer le grand public sur cette injustice, lors de ventes directes dédiées au thon rouge, sur les réseaux sociaux, ou encore dans les médias. Cinq portraits illustrent autant de situations injustes, qui se comptent par centaines sur les côtes françaises.
Ce second portrait est celui de Franck Romagosa, pêcheur aux petits métiers à Saint Cyprien, sur le PETIT DAMIEN, une vedette de 9 mètres.
Franck ne demande pas la lune : une tonne de quota par an pour les petits métiers serait suffisante selon lui : « Une tonne par an, ça permet de pêcher en moyenne 1 thon par semaine. Avec un thon par semaine, vendu localement, on peut générer 35 000 € par an, ce qui va permettre d’employer un matelot et donc de générer de l’emploi local. De plus, en pêchant le thon rouge, on diminue la pression sur les autres espèces de poisson »
Malgré son combat, Franck n’a toujours pas obtenu d’AEP thon rouge. La délivrance de nouvelles AEP se limite à quelques dizaines par an pour plusieurs centaines de demandes. Il faut donc sélectionner pour pouvoir choisir. Ainsi, le critère de la taille de son bateau, de la première installation ou de l’âge du capitaine sont autant de conditions prioritaires pour l’obtention du précieux sésame. A un an de la retraite, inutile de préciser que Franck est plutôt mal classé pour être lauréat… Il dénonce un système d’attribution qui n’est pas transparent, voire discriminant à l’égard des pêcheurs les plus anciens : « Dans les faits, comme je suis proche de la retraite ils ne veulent pas me donner d’AEP, alors que certains qui sont déjà à la retraite conservent leur AEP. C’est un système assez opaque et le meilleur moyen pour avoir du quota … c’est le piston ! ».
Le syndicat des pêcheurs petits métiers d’Occitanie (SPMO) dont il fait partie souhaite revoir les critères de délivrance des AEP afin de donner une chance aux plus anciens qui renouvellent chaque année leurs demandes depuis parfois plus de 10 ans…sans succès. Le SPMO dénonce également les détournements du système qui permettent à un même armateur de détenir plusieurs AEP sous des noms de sociétés différentes et confiées à de jeunes gestionnaires prioritaires.
D’autres pêcheurs aux petits métiers soulignent aussi les aberrations du système : « Le thon rouge pêché par les senneurs avec le quota français n’arrivera jamais sur le marché français : tout est vendu au Japon ! Et avant ça les thons sont engraissés dans des cages au sud de l’Espagne, avec du poisson bleu pêché par des chalutiers géants au large des côtes africaines ou de la mer du nord. Pendant ce temps là le consommateur français mange du thon tropical que l’on va piller au large des Seychelles. C’est une série d’injustices pour les pêcheurs artisans locaux ». L’industrie du thon rouge qui représente une manne économique considérable pour une vingtaine de navires, n’apporte strictement rien à l’économie locale, si ce n’est quelques emplois de marins 1 mois par an, le temps de la saison de pêche !!
Pourtant, comme le disent tous les pêcheurs artisans, le thon rouge serait un véritable cadeau pour l’économie locale : « Un thon rouge vendu en tranches à l’étal ou en circuits courts, ça permettait de faire connaitre aux gens un produit magnifique, de dynamiser de nombreux commerces, et ça sauverait certaines entreprises de pêche en difficulté » Le thon est présent partout, au plus près des côtes, dans des concentrations jamais vues auparavant. Il est là, il n’y qu’à se baisser pour le pêcher, mais c’est interdit pour Franck et pour la grande majorité des petits métiers, faute d’AEP en nombre suffisant et d’une concentration trop importante des quotas.
“On pêcherait les thons un par un, à la canne, en relâchant ceux qui sont trop petit, et en préservant la ressource. Mais au lieu de cela on préfère engraisser des milliardaires en leur donnant des milliers de tonnes de quota». En effet, depuis plusieurs années, quelques armateurs thoniers industriels qui détiennent déjà l’essentiel du quota français, y compris dans le segment artisanal petits métiers, se voient offrir des centaines de tonnes supplémentaires « grâce » au système des antériorités de capture : ceux qui ont le plus pêché sur des années de référence sont ceux qui obtiennent le plus de quota, concentrant plus de 80% des droits de pêche.
Franck ne peut s’empêcher d’être nostalgique du temps où il pêchait le thon rouge avec son père, « à une époque où le thon n’était pas engraissé dans des cages mais débarqué sur le quai, et où l’économie locale profitait de ce cadeau donné par la mer ». Les temps ont bien changé, mais combattre les injustices faites aux pêcheurs artisans reste une priorité et le combat des petits métiers pour le thon rouge n’est pas encore fini…
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