Suite à l’appel du 26 mai 2020, des centaines de pêcheurs artisans se sont mobilisés sur tout le littoral pour faire de cette journée la journée nationale du thon rouge. Ils seront nombreux à informer le grand public sur cette injustice, lors de ventes directes dédiées au thon rouge, sur les réseaux sociaux, ou encore dans les médias. Cinq portraits illustrent autant de situations injustes, qui se comptent par centaines sur les côtes françaises.
Pascal Berrouet a 55 ans, il est ligneur à Saint-Jean de Luz dans le Pays Basque. Lui aussi, il a « baigné dedans » depuis tout gamin, et la pêche s’est imposée à lui de façon très naturelle.
Merlu, louvine (bar), civelle, thon blanc (germon) et rouge, voilà les espèces sur lesquelles le « Sans Peine » de Pascal et ses deux matelots reposent. Le merlu est l’espèce phare de la flottille des ligneurs du Pays Basque, un poisson à la chair fine que seule la ligne permet de sublimer… C’est plus de la moitié de son chiffre d’affaires qui en dépend, mais comme toujours à la pêche, l’espèce se montre parfois capricieuse. Il n’est pas rare que « ça coupe » en plein milieu de l’été. Plus de merlu à pêcher, et le thon rouge qui nargue les pêcheurs…
Depuis toutes ces années qu’il fait la pêche, le thon rouge n’a jamais été aussi abondant. « Quand le thon rentre à la côte, d’ici une quinzaine de jours, on le voit sauter partout autour du bateau, et ça jusqu’au mois d’octobre ! On est littéralement envahi de thons ».
Le thon rouge, Pascal l’a vu revenir à partir de 2010. Au début, c’était surtout des petits thons, la « matraille » comme ils les appellent au Pays Basque. Aujourd’hui, les thons qu’ils observent sont largement plus gros, jusqu’à 60 – 80 kg. « Bien sûr, ce ne sont pas des thons de 200 kg comme ceux de Méditerranée » dit Pascal, mais l’augmentation de la taille, c’est pour nous un indice que le stock se porte de mieux en mieux.
Quant aux autres espèces, les conditions sont loin d’être au beau fixe. Le bar qui se pêchait très bien en été il y a 5 ans est aux abonnés absents : de 2 à 3 tonnes par an en 2015, Pascal n’a pu en remonter que 200 kg l’an dernier… une misère …
On comprend que dans ces conditions, ne disposer que de 200 kg de quota de thon rouge pour 3 marins, c’est dur. Et pourtant, Pascal pourrait largement pratiquer une pêche ciblée, durable et locale de cette espèce. Cela lui permettrait de pallier aux périodes de disette lorsque le merlu ne mord plus, ou à la raréfaction du bar sur ses zones de pêche.
Mais 200 kg c’est loin d’être assez pour permettre à un navire de se lancer à la poursuite du thon rouge et passer parfois plusieurs jours sans pêcher le moindre poisson … Avec trois hommes à bord, il faudrait au moins 2 ou 3 tonnes de quota pour permettre une exploitation rentable.
Seule maigre consolation, Pascal dispose d’une AEP thon rouge, comme la plupart des ligneurs basques. Une AEP sans quota, encore une absurdité de l’administration. « C’est grâce à certains qui ont bataillé dur et harcelé les structures professionnelles pour nous obtenir les AEP, sinon ils ne nous les auraient jamais donné ».
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Mise à jour, Novembre 2022. C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la mort de Pascal Berrouet, marin-pêcheur à Saint-Jean-de-Luz. Pascal était le patron du SANS PEINE, sur lequel il pêchait le merlu, le bar ou encore le thon blanc … toujours à l’hameçon. Il était apprécié de tous, et il s’est beaucoup battu pour que les pêcheurs artisans du port de Saint-Jean-de-Luz aient un meilleur accès à la ressource. Toutes nos pensées vont à sa famille et à ses amis, repose en paix Pascal.