Sandettie, Annie Hillina, Prins Bernhard, Frank Bonefaas … 4 chalutiers de plus de 80 mètres qui profitent de l’absence des pêcheurs artisans dans le Golfe de Gascogne pour en piller les ressources ! Les pêcheurs artisans – déjà sonnés par l’effondrement des prix du marché, la mise à l’arrêt de certaines criées, et la fermeture de certaines pêcheries – sont scandalisés par cette injustice !
On parle ici de bateaux qui peuvent traiter 400 tonnes de poisson par jour. A titre de comparaison, Lorient, 1ère criée française, traite en moyenne 200 tonnes de produits de la mer par jour : chaque jour, chacun de ces chalutiers géants peut traiter 2 fois plus de poisson que l’un des plus gros ports de pêche français. L’ampleur du scandale n’a donc d’égale que les capacités de capture démesurées de ces unités de pêche.
Alors que la saison du maquereau vient juste de commencer, ce n’est pas un hasard si on retrouve ces énormes bateaux qui peuvent chacun en avaler 250 tonnes toutes les nuits. Les pêcheurs artisans, quand ils ont la chance d’avoir du quota de maquereau, peuvent le pêcher à la ligne, au chalut ou à la bolinche, pour des quantités qui varient entre 500kg et quelques tonnes par jour. L’injustice est donc flagrante, comme le souligne un pêcheur de Saint-Jean-de-Luz, assommé par la situation :
« Alors qu’on nous empêche d’aller en mer pratiquer notre métier qui nourrit les gens, on laisse des chalutiers géants détruire la ressource pour faire du profit »
En effet, depuis une semaine, les pêcheurs français subissent une crise inédite due à l’impact du coronavirus sur le marché des produits de la mer. Les exportations vers les marchés espagnols et italiens se sont effondrées, les restaurants et les cantines sont fermés, les produits à la découpe sont délaissés. Une forte baisse de la demande qui a poussé les mareyeurs à se désengager, faisant chuter les prix en criée. Les pêcheurs ont donc arrêté de sortir en mer, faute de prix, et certaines criées ont même fermé. Une situation inédite, que ce soit à Boulogne-sur-mer où les bateaux ont été appelés à rentrer au port, à Royan, Saint-Jean-de-Luz et Sète où les criées ont fermé, ou encore en Baie de Saint-Brieuc où la campagne de pêche à la coquille Saint Jacques a été interrompue.
Nul besoin d’une crise pour critiquer la puissance de pêche démesurée des chalutiers géants, et leurs impacts énormes sur les ressources marines. Cependant, dans une période ou la pêche artisanale française est anesthésiée par une crise sans précédent, la présence de ces chalutiers au large du bassin d’Arcachon ne manque pas de faire réagir : « On va voir ces bateaux pêcher des centaines de tonnes de maquereau pendant qu’on sera obligés de rester à terre »
Nous dénonçons le double jeu des « instances représentatives » de la pêche ! En effet, quand on cherche à en savoir un peu plus sur les armements qui possèdent ces chalutiers géants, on tombe rapidement sur le nom de « Cornelis Vrolijk ». Cet armement néerlandais possède de nombreux chalutiers géants, ainsi que des armements français, afin de récupérer un maximum des quotas distribués par l’Europe. Parmi ces armements français, l’armement France Pélagique, filiale de Cornelis Vrolijk, dont le directeur général est Antoine Dhellemes … vice président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), président de l’Association Nationale des Organisations de Producteurs (ANOP), et président de l’OP From Nord. Hervé Jeantet, administrateur de l’armement Dhellemes, filiale de Cornelis Vrolijk, n’est autre que le vice-président du conseil spécialisé « pêche et aquaculture » de FranceAgrimer, et le vice-président de la principale Organisation de Producteurs Française, les Pêcheurs de Bretagne (LPDB).
Charles Braine, président de l’association Pleine Mer et ancien marin-pêcheur, est scandalisé :
« Quand on sait que France Agrimer, le CNPMEM et LPDB s’épanchent depuis une semaine dans les médias en disant vouloir tout mettre en œuvre pour soutenir les marins français qui sont à quai … alors que les bateaux de certains de leurs administrateurs profitent de l’opportunité pour piller la ressource des pêcheurs artisans … Il y a de quoi crier au scandale ! Ces bateaux aux capacités démesurées ne devraient même pas exister, et leur utilisation en période de crise est d’un opportunisme abject, qui tue l’environnement et les pêcheurs artisans. »