La Senne Danoise, un filet tournant manœuvré sur le fond, est souvent présentée comme l’engin de pêche du futur. Aux yeux de ses partisans, elle permettrait de fournir un poisson de meilleure qualité que le chalut, pour un impact environnemental moindre. Du côté des artisans, le son de cloche est bien différent. Nous avons donc décidé de mener l’enquête, et cet article est le premier d’une série d’articles à propos de cet engin de pêche controversé.
En plus des témoignages de nombreux artisans qui déclarent que la senne danoise peut « temporairement vider certaines zones de pêche » un élément prouve clairement que cet engin de pêche ne fait pas l’unanimité : alors que les comités régionaux des pêches des Hauts-de-France et de Vendée se sont clairement positionnés en faveur de la senne danois, le comité régional des pêches de Bretagne a toujours maintenu l’interdiction de la senne danoise dans les 12 miles des eaux bretonnes. En effet comme en témoigne ce communiqué du CDIPMEM56 datant du 20/04/2019 :
« Cette opposition reflète l’opinion de la très large majorité des pêcheurs du Morbihan. Elle s’appuie en outre sur une délibération du Comité Régional des Pêches de Bretagne en date du 19 décembre 2013 ; délibération signée par Olivier Le Nezet et qui stipule que : « A l’intérieur des eaux relevant de la circonscription du Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins de Bretagne, l’usage des sennes danoises est interdit » […] Par ailleurs, les Comités des pêches des quatre départements bretons partagent exactement la même opinion quant au refus de la senne danoise dans les eaux bretonnes. »
Et les pêcheurs bretons ne sont pas les seuls à avoir publiquement fait savoir leur refus de la senne danoise. Un incident récent à Ciboure rappelle d’ailleurs cette forte opposition et les tensions qu’elle peut engendrer. En avril 2019, les pêcheurs luziens ont empêché un senneur de débarquer à la Criée de Ciboure, comme en témoignent divers articles de presse sur le sujet :
« La colère montait depuis une quinzaine de jours, lorsque ces navires qui restaient habituellement au
nord d’Arcachon ont été observés pour la première fois au large des ports de Saint-Jean-de-Luz et
Capbreton. Elle s’est donc élevée d’un cran en début de semaine. « On connaît maintenant les effets. Là où ils passent, il n’y a plus rien, ils massacrent tout », justifie un pêcheur luzien. « Après avoir plumé tout le nord, ces bateaux vont venir plumer le sud ? Il n’en est pas question. On s’est trompés une fois en laissant venir les pélagiques, on ne se fera pas avoir deux fois », poursuit-un autre. »
Nombreux sont donc les pêcheurs artisans à questionner l’usage de la senne danoise, comme par exemple la Plateforme de la Petite Pêche Artisanale ou l’Association des Ligneurs de la Pointe de Bretagne. Ces deux structures s’y sont toujours opposées, comme en témoigne un communiqué de presse daté du 6 Juillet 2016 où le segment « petite pêche » témoigne :
« Tous les pêcheurs qui ont eu affaire une fois avec un senneur peuvent témoigner de leur capacité à vider une zone de pêche en un temps record, laissant tous les collègues sur le tapis. Là où les arts dormants pouvaient cohabiter avec les chalutiers, c’est maintenant impossible avec la senne danoise! »
Le communiqué en question : http://www.plateforme-petite-peche.fr/?p=435
Enfin, récemment, de nombreux pêcheurs artisans des Hauts-de-France et de Normandie ont pris à partie la senne danoise sur les réseaux sociaux, et ces publications ont eu une forte résonnance dans le monde de la pêche. En particulier, des captures d’écrans d’AIS montrant la quantité de senneurs danois immatriculés en Hollande et en France, et travaillant parfois dans la zone des 3 miles, ont mise en ébullition la profession.
Entre autres, à Boulogne-sur-Mer, la récente débarque de dizaines de caisses de criées remplies de dorades et de rougets de tailles équivalentes voir inférieures à la taille légale de capture … a fortement mobilisé les pêcheurs, d’autant que ces espèces sont recherchées par les segments « petite pêche » et « pêche côtière ». En observant ces bacs de rougets, on peut aussi questionner la supposée qualité du poisson pêché à la senne danoise, ces photos parlent d’elles mêmes :
- A Gauche, du rouget pêché à la senne danoise et débarqué à Boulogne-sur-Mer en Novembre 2020 (le briquet noir permet d’avoir une idée de la petite taille des poissons)
- A Droite, du rouget pêché au filet par les « Petits Pêcheurs d’Iroise » https://www.facebook.com/ligneur
Dans un prochain article, nous questionnerons le rôle de la SCOPALE, armement appartenant aux groupes Les Mousquetaires et Le Garec et à la Coopérative d’Opale, dans la transformation des pêcheries du Nord et de Normandie. A ce stade de l’enquête, il parait légitime de questionner l’utilisation de la senne danoise dans la zone des 12 miles, et il parait clair qu’aucune dérogation ne devrait permettre l’utilisation de cet engin dans la zone des 3 miles. L’opposition des pêcheurs artisans, toute région confondue, doit être entendue et respectée, d’autant qu’elle s’appuie sur un constat factuel réalisé en mer.
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