« Je suis fière d’exercer ce métier. Mais nous sommes invisibles. Il y a aussi un effort de pédagogie à faire, je suis appelée pour du poisson frais les jours de tempête. Mais nous, on ne revend rien. Sur l’étal, il n’y a que le fruit de notre pêche. On ne sort que lorsque la météo est clémente », raconte cette femme de marin pêcheur, en Normandie. « Les enfants sont fascinés par la peau lisse des roussettes ou les écailles des poissons. Et quand je leur raconte que la pince d’un homard repousse! Quel bonheur, quelle joie de voir leurs yeux ! C’est aussi pour ces moments-là que je fais ce métier ».
« Nos collégiens ne savent plus à quoi ressemble un poisson. Pour eux, c’est le rectangle de la cantine, » nous indique ce contact, employé au conseil départemental du Val d’Oise.
Extraits d’entretiens réalisés pour Pleine Mer, ces dernières semaines. Et vous ? Combien de noms de légumes, de fruits pouvez-vous citer ? En comparaison, combien de noms de poissons connaissez-vous ?
Après Pêche locale : Pêche locale et durable à l’école
Sur les quais, nous constatons régulièrement l’immense fierté des pêcheurs artisans d’exercer ce métier, leur volonté de transmettre cette culture d’une petite pêche locale. Mais ces pêcheurs ont aussi la sensation d’être invisibles, et ce même des communautés du littoral.
Nous remarquons aussi l’intérêt grandissant des médias, des citoyens pour les questions halieutiques.
En parallèle, des établissements scolaires de toute la France, nous contactent directement pour intervenir sur le sujet de la pêche durable. Face à ces constats, à notre forte présence aux côtés des pêcheurs artisans et enfin pour faire suite à la carte de la pêche locale, le projet Pêche locale et durable à l’école, est né cette année 2024.
Un réseau unique de pêcheurs artisans
Petit retour en arrière, l’association a été créée en 2018. Notre raison d’être reste inchangée. Pleine Mer souhaite contribuer à une transition durable de la pêche en faveur des Hommes et des Femmes qui la pratiquent, des citoyens et de l’environnement. Elle a pour objet la protection des océans ainsi que le soutien au développement de méthodes et modes de gestion soutenables dans la pêche et les élevages aquatiques.
Cinq ans plus tard, fin 2023, notre premier projet Pêche locale : carte de la pêche locale gratuite et interactive pour trouver des produits de la mer en direct des pêcheurs, a été consultée plus d’un million de fois. Elle permet de pêcher moins mais mieux. Les retours sont excellents. La carte est aussi un outil-vitrine de notre indépendance, de notre savoir-faire et de notre réseau unique de pêcheurs artisans sur tout le littoral français.
Pleine Mer souhaite aussi rester un acteur indépendant de la pêche durable en France. Et cette carte nous ouvre aussi de nouvelles perspectives.
La pêche : une activité dangereuse, fascinante mais méconnue du grand public
La pêche représente certes une petite économie en terme de PIB, mais elle est un enjeu environnemental pour tous. La pêche industrielle est la principale responsable de l’érosion de la biodiversité des océans du monde (source Ipbes, organisme sous l’égide des Nations Unies).
Aujourd’hui, même si les citoyens savent de façon générale que l’océan est surexploité ; ils ignorent le plus souvent, quels engins sont utilisés pour pêcher les ressources marines, quels sont leurs impacts, quelles sont les conséquences de la surpêche sur l’océan et finalement sur la pêche artisanale durable.
La France a la deuxième plus grande façade maritime au monde et pourtant nous connaissons peu la pêche artisanale locale : plus de 80% des produits de la mer consommés sont importés (Ifremer, 2022), 2/3 sont transformés ou congelés et 3/4 vendus en grande surface.
Notre goût pour le saumon et les crevettes pèsent fort dans la balance. Le littoral français fait ainsi face à un paradoxe : une consommation de poisson déconnectée de la pêche locale alors que les pêcheurs peinent à maintenir leur activité (instabilité des prix en criée, surpêche etc).
Pourtant, ces pêcheurs, avec leur petit bateau, leur méthode « douce » (casier, ligne, filet droit, etc), la proximité des zones de pêches, la variété et la saisonnalité des prises, travaillent à avoir le moins d’impact sur cette mer nourricière et ces écosystèmes fragiles et à maintenir un lien avec la population locale. Aujourd’hui, cette pêche durable est même parfois théorisée sous le concept de pêchécologie1 ou agro-écologie de la mer.
Dans un récent rapport réalisé par un groupement constitué de chercheurs de l’Institut Agro, de l’AgroParisTech et de l’EHESS-CNRS, publié le 24 janvier et intitulé « Changer de cap. Pour une transition sociale-écologique des pêches »; on peut aussi lire que « la pêche industrielle crée deux fois moins d’emplois que la petite pêche côtière.« . « Plus le bateau est grand, moins il crée d’emploi », résume aussi Harold Levrel, professeur d’économie écologique à AgroParisTech et co-auteur du bilan.
Une malle pédagogique Pêche locale et durable à l’école
Pour les raisons énoncées ci-dessus, Pleine Mer développe donc à partir de cette année 2024, un volet pédagogique, intitulé Pêche locale et durable à l’école.
Il se concrétisera par un prototype de malle pédagogique sur la pêche durable, réalisée par notre chargée de projet Pêche locale, Céline Diais, également photographe professionnelle et intervenante dans les établissements scolaires.
L’objectif de cette valise sera d’apprendre en s’amusant ; de sensibiliser à la pêche durable; de découvrir, d’explorer par l’art, l’éducation à l’environnement cette activité méconnue. Le premier prototype s’adresse en priorité aux élèves des écoles primaires. L’ensemble du contenu sera finalisé courant 2024.
Une exposition photo sur la petite pêche déjà produite
Mais d’ores et déjà, Pleine Mer a produit une exposition photo « Pêche durable ». En effet, quoi de mieux que l’image pour commencer à rendre visible ces invisibles.
L’exposition photo est conçue pour être accrochée directement au sein des écoles. Ce premier support pédagogique et artistique est accompagné de deux livrets pour les 7-11 ans (un la forme et le métier de photographe, un autre sur le fond et la pêche durable).
A partir de ce premier support, des premières interventions sont d’ores et déjà programmées à partir d’avril 2024. D’autres contenus seront ajoutés (podcast, vidéos des engins de pêche, atelier gyotakus, etc), dans les mois à venir.
Ainsi, par l’art, les sciences, nous invitons les élèves à s’informer, découvrir, explorer l’activité pêche durable et ses conséquences, et in fine à questionner leur consommation de produits de la mer et à évoluer vers une consommation de ressources marines la plus durable et locale possibles. Nous rappelons aussi qu’un français consomme un peu moins 34kg de poisson/an (France Agrimer). Les ONGs (WWF, Bloom) s’accordent à dire qu’une consommation durable s’élèverait à 8kg de poisson par personne et par an.
A partir de 2025, le volet Pêche locale et durable à l’école sera élargi pour toucher les élèves de 6 à 18 ans.
Informations :
Vous êtes un établissement scolaire et êtes intéressés par nos contenus pédagogiques et artistiques sur la pêche durable, merci de nous contacter via ce mail : association_pleine_mer@riseup.net (objet : pêche locale à l’école).
- Gascuel (D). 2023. La pêchécologie, manifeste pour une pêche vraiment durable. Quae. l ↩︎