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Rendre visible les dynamiques de genre dans la pêche en France

Rendre visible les dynamiques de genre dans la pêche en France

La pêche fait partie des secteurs de l’emploi les plus difficiles et dangereux d’Europe. Bien que ce secteur demeure un pilier central du système alimentaire européen, les relations de travail y sont toujours incroyablement marquées par les inégalités et le sexisme. Ce rapport analyse le cas de la France, où les femmes constituent le moteur de la commercialisation du poisson local issu de la pêche artisanale. Vous pouvez cliquer ici ou télécharger le pdf suivant pour lire le rapport. Le rapport est disponible en version origniale (anglais) en cliquant ici. Bonne lecture !

Introduction et contexte

La pêche fait partie des secteurs de l’emploi les plus difficiles et dangereux d’Europe. Bien que ce secteur demeure un pilier central du système alimentaire européen, les relations de travail y sont toujours incroyablement marquées par les inégalités et le sexisme. La capture du poisson en mer a toujours été masculinisée, tandis que les tâches souvent non rétribuées de comptabilité, de ramendage, de vente et les tâches domestiques et familiales à terre sont attribuées aux femmes. La masculinisation du travail en mer a été amplifiée avec l’industrialisation de la flotte de pêche, qui a également rendu difficile la survie des pêcheurs artisanaux. Le secteur connaît actuellement des problèmes de recrutement. De moins en moins de personnes veulent travailler dans la pêche.

Face à la non-formalisation de l’emploi des femmes, des tentatives ont été menées pour rendre visibles les pêcheuses et un appel a été lancé parmi les personnes interrogées dans le cadre de notre enquête (voir plus loin) pour sensibiliser au fait que les femmes représentent une source potentielle d’énergie nouvelle et de main-d’œuvre dans le secteur.

Ce bref rapport examine le contexte dans lequel ont émergé ces tentatives et appels. Dans un premier temps, nous décrirons les relations hommes-femmes et l’invisibilisation du travail des femmes dans la pêche en Europe. Ensuite, nous ferons un retour sur les luttes menées par les femmes pour une plus grande égalité des droits dans ce secteur et aborderons les principales difficultés auxquelles elles font encore face aujourd’hui. Enfin, nous ferons un zoom sur les dynamiques de genre dans la pêche en France, en examinant la façon dont elles s’entrecroisent avec les préoccupations écologiques et les différents modèles de pêche (de la pêche industrielle à la pêche soutenue par la communauté), afin de montrer qu’il ne suffirait pas d’employer davantage de femmes pour résoudre les profonds problèmes sociaux et écologiques que rencontre le secteur.

Tout comme certains chercheurs ont dénoncé un manque de considération pour le « point de vue de femmes sur la façon dont elles valorisent leurs propres rôles et identités dans la pêche », ce rapport tente de donner la parole aux femmes du secteur de la pêche. Cela est d’autant plus important que « bien que les recherches sur les femmes et la pêche documentent de plus en plus les multiples rôles (re)productifs de la femme dans la pêche à travers le monde, relativement peu de recherches analysent ce que la nouvelle contribution des femmes à la pêche signifie pour elles et comment les relations hommes-femmes et les identités sont renégociées et redéfinies par l’évolution des rôles et pratiques ».

Notre travail est basé sur des données empiriques recueillies par Pleine Mer, une association française à but non lucratif qui défend la pêche artisanale, pendant trois ans de travail de terrain auprès de pêcheurs français dans le processus de valorisation de la vente directe de produits de la mer en provenance des ports français. Trois entretiens semi-structurés ont égale- ment été menés de façon approfondie auprès de femmes qui travaillent dans la pêche, ainsi qu’une enquête sur la façon dont sont perçues les dynamiques de genre dans le secteur, à laquelle ont répondu 16 femmes et 16 hommes qui travaillent dans le secteur ou dans des industries étroitement liées. L’enquête donne un aperçu de certains problèmes importants concernant les relations hommes-femmes dans la pêche en France aujourd’hui, du point de vue des hommes et des femmes. Ces points de vue variés viennent compléter des entretiens et travaux ethnographiques plus approfondis, destinés à faire entendre la voix des femmes et à contribuer à les rendre visibles et « mettre en évidence les relations de pouvoir basées sur le genre et l’existence (coexistence) potentielle de processus de masculinisation [dans la pêche] ».

Les principaux éléments mis en évidence dans les sections suivantes sont : (I) un processus de masculinisation du travail sur les bateaux de pêche et (ii) la féminisation du travail dans le secteur de la pêche à terre, qui contribuent tous deux à l’inégalité des relations hommes-femmes. Le processus d’industrialisation de la flotte de pêche n’a fait qu’exacerber cette dynamique, en favorisant une ap- proche productiviste qui cherche à maximiser la quantité de poisson pêché, valorise la force physique masculine, la prise de risque, la concurrence accrue (dans la pêche industrielle comme chez les petits pêcheurs) et les pé- riodes prolongées en mer. La priorisation de la quantité et l’efficacité a contribué à la surpêche et nuit à la durabilité écologique de la pêche européenne. En parallèle, le travail des femmes à terre est invisibilisé et considéré comme acquis, même si une grande partie de l’activité de pêche s’effondrerait sans lui.

Tandis que le modèle de pêche dominant peine à attirer de nouvelles recrues, il devient de plus en plus évident qu’un changement au niveau social et écologique est inéluctable pour que la pêche puisse continuer de se pratiquer. Une autre approche du travail et de la nature doit être mise en œuvre et c’est justement ces deux éléments, qui ont toujours été dévalués dans ce secteur, qui sont déjà porteurs de nouvelles voies potentielles. Dans cette lignée, une alternative a récemment vu le jour : la pêche soutenue par la communauté. Cette dernière met les pêcheurs en relation directe avec les consommateurs et offre une stratégie potentielle de soutien des pêcheurs qui souhaitent rompre avec le modèle dominant pour privilégier la qualité sur la quantité. En revanche, ce qui est moins bien compris, c’est que sans le travail des femmes, cette stratégie ne pourrait pas exister. Ce rapport analyse le cas de la France, où les femmes constituent le moteur de la commercialisation du poisson local issu de la pêche artisanale. Dans le secteur de la pêche en France, nous avons découvert que:

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