Mer de Liens : bientôt les premiers bateaux ?

Mer de Liens : bientôt les premiers bateaux ?

Le projet Mer de Liens a beaucoup progressé depuis notre dernier article. L’article suivant vous permettra d’y voir plus clair dans ce projet ambitieux, qui prend tout son sens dans le contexte des crises successives du secteur de la pêche. Nous remercions chaleureusement la fondation Carasso pour son soutien précieux qui nous permet de développer avec soin chaque aspect de ce projet.

Rappel des objectifs du projet et de la problématique

Ce projet a pour objectif de répondre à la problématique suivante : « comment améliorer la transmission entre le pêcheur retraité et le jeune pêcheur tout en évitant l’accaparement des quotas de pêche par les entreprises de pêche industrielle ? »

Finalement, pour encourager la pêche durable, est-ce qu’on ne pourrait pas soutenir l’installation de jeunes pêcheurs pratiquant une pêche durable ? Bien sûr, la problématique de la pêche durable est bien plus complexe, mais nous pensons que ce projet propose une solution extrêmement concrète pour faire face aux crises qui touchent actuellement la filière pêche française.

En France un quota est alloué directement à un bateau, ce qui permet aux industriels de racheter des bateaux de pêche afin d’obtenir plus de quotas. Ce système de répartition des quotas qui associe un quota à un bateau permet en réalité un rachat de quota, voir une spéculation, ce qui est extrêmement problématique : certains bateaux âgés de plus de 30 ans valent des centaines de milliers d’euros, du fait des quotas qui leur sont attribués.

Le système de répartition des quotas de pêche français réside aussi sur un autre principe : la clé de répartition des quotas est basée sur le principe des antériorités de capture. Ce principe de répartition se réfère à des années de référence. Si le bateau a bien pêché une certaine espèce pendant ces années de référence, alors il aura beaucoup de quota pour cette espèce. Au contraire, si le bateau a mal pêché pendant les années de référence alors il obtiendra moins de quota. A cause de ce système pervers, les pêcheurs industriels accaparent toujours plus de quotas pendant que les pêcheurs artisans obtiennent de moins en moins de quotas de pêche. 

l reste nécessaire de permettre aux jeunes pêcheurs de s’installer dans le système actuel, d’autant que ce système engendre un vieillissement de la flotte. En effet, puisque les quotas sont attribués à des bateaux qui sont déjà dans la flotte, il est donc très difficile de faire construire un bateau neuf et d’obtenir des quotas pour ce bateau. La flotte de France métropolitaine a aujourd’hui une moyenne d’âge de 28 ans c’est-à-dire qu’un un jeune pêcheur achète généralement un bateau construit dans les années 90, ce qui pose évidemment un problème de sécurité en mer, à cause d’un outil de travail inadapté à l’évolution du métier.

Pleine Mer souhaite remédier à tous ces problèmes grâce au projet «Mer de Lien» qui s’inspire de la foncière Terre de Liens. Cette structure permet à des jeunes agriculteurs durables de s’installer, puisque la foncière rachète des terres grâce à un financement participatif citoyen. Ce projet met donc un frein aux industriels de l’agriculture, qui ne peuvent plus accaparer l’ensemble des moyens à produire. Nous souhaitons faire exactement la même chose, mais avec des bateaux de pêche, pour installer des jeunes pêcheurs durables tout en empêchant les industriels de la pêche d’accaparer les quotas et de spéculer sur la ressource.

Un collectif de partenaires autour de Pleine Mer

Pour la durée de l’étude de faisabilité, nous travaillons régulièrement avec les les structures et/ou experts suivants :

Les partenaires du projet travaillent régulièrement avec nous sur les différents aspects du projet. En plus de ce travail en « one-to-one » avec chaque partenaire, nous avons organisé deux réunions Zoom avec tous les partenaires, une première en février 2023, et une deuxième en octobre 2023. La prochaine réunion est prévue début février 2023. Ces réunions d’une demi-journée sont l’occasion d’échanger à propos des avancées du projet, mais aussi de creuser collectivement certaines sujets. Ces échanges fructueux sont extrêmement enrichissants et permettent de développer un modèle qui correspondent à la vision de tous les partenaires impliqués.

Quelles formes juridiques pour les structures porteuses du projet ?

Des termes de référence ont été définies afin de recruter des consultants spécialisés : sur les questions juridiques, financières, et techniques du projet.

L’analyse juridique (non encore aboutie) confirme a priori le schéma juridique proposé dans la note conceptuelle initiale. Quelques points saillants devront être précisés dans le montage de la structure : le protocole entre associés (futurs pêcheurs en installation) prévoyant la conservation des droits de pêche au sein de la structure Mer de Liens, les rôles et composition des conseils de surveillance et scientifique.

Les investissements seraient placés dans une SCA (possibilité de compatibilité avec la forme coopérative) gérée par une SARL « Mer de Liens » (le commandité).

Un conseil scientifique, indépendant de la SARL, définira les éléments d’un cahier des charges établissant les critères de pratique d’une pêche durable.

La SARL « Mer de Liens » aura par ailleurs pour responsabilité la sélection des dossiers en fonction de critères d’installation (zones de travail, métiers pratiqués, disponibilités en termes de ressources, profil du patron porteur du projet d’installation…). Elle conditionnera le projet d’installation au respect du cahier des charges « pêche durable » (développé dans le projet).

Une SARL « bateau » sera ensuite créée qui détiendra le bateau de pêche issu d’un rachat ou d’une nouvelle construction.

Si le projet prévoit une acquisition progressive du navire par le nouvel installant, la SCA devra rester « détentrice » des droits de pêche (antériorités de pêche/licences ?)  de façon à ce que ces droits ne retombent pas dans le marché des « droits de pêche » mais soient « sanctuarisés ». En effet, nous souhaitons absolument sortir les droits de pêche du système spéculatif.

Cette nécessité pose la question du rapport entre la SCA et la SARL bateau et des conditions/possibilités pour que la SCA reste détentrice des droits de pêche.

Comment évaluer les installations ?

L’objectif du projet est bien sûr de faire évoluer les pratiques de pêche vers plus de durabilité. Nous souhaitons soutenir des projets d’installations innovants et ambitieux en matière de pêche durable. Pour cela, il est nécessaire d’établir un système d’évaluation et de contrôle de chaque projet d’installation : dire qu’on va faire de la pêche durable, c’est bien, mais le discours doit s’accompagner de pratiques réelles sur le terrain.

Charlène Jouanneau travaille actuellement sur cet aspect du projet.

En effet, la SARL « Mer de Liens » aura pour responsabilité la sélection des dossiers en fonction de critères d’installation (zones de travail, métiers pratiqués, disponibilités en termes de ressources) mais aussi du profil du patron porteur du projet d’installation… Une réflexion et une proposition sur la méthode de sélection et l’accompagnement des patrons paraît nécessaire pour avoir un minimum de garantie sur la cohérence du projet au regard de la dynamique et de la philosophie du projet Mer de Liens.

L’étude visée par cet appel d’offres doit permettre de stabiliser le cahier des charges développé à ce jour tout en conservant des critères suffisamment généralistes pour qu’il s’adapte à la diversité des pêcheries. Par ailleurs une méthode et des critères de sélection des dossiers seront proposés afin de garantir que les futurs projets et patrons soutenus par le dispositif Mer de Liens sont bien en cohérence avec la philosophie défendue (pratiques de pêche responsables, gestion sociale de l’entreprise de pêche, etc.). Enfin l’étude s’attachera à proposer une méthode et des indicateurs pour le suivi et l’évaluation des projets financés.

Quels financements pour le projet

Le financement est un élément central du projet puisque nous souhaitons acheter des navires … et les bateaux de pêche coutent cher ! En effet, comme expliqué plus haut, le système actuel de répartition des quotas entraine une spéculation sur les bateaux de pêche : leur prix augmente artificiellement quand ils sont bien dotés en antériorités. Il va donc falloir suffisamment d’argent pour racheter des bateaux, afin de les sortir de ce cycle de spéculation.

Le nom de notre projet s’inspire directement du travail de l’association « Terre de Liens » avec laquelle nous travaillons étroitement. Leur projet est extrêmement abouti, avec des dizaines d’agriculteurs installés en 20 ans de travail, et des centaines d’hectares rachetés par la foncière et qui sont ainsi sortis du cycle spéculatif.

Un rapprochement a été opéré avec Terre de liens et nous sommes en train de rédiger un accord entre Pleine Mer et Terre de Liens, pour mettre en place une stratégie de levée de fonds commune sur le projet « Mer de Liens. Concrètement, Terre de Liens s’est engagée à soutenir Pleine Mer dans son travail de levée de fonds, en nous donnant accès au carnet d’adresse et aux compétences de fundraising de l’association. Par ailleurs, le président de Pleine Mer a participé à l’anniversaire des 20 ans de Terre de Liens le 22 novembre afin de présenter le projet Mer de Liens.

Pour leur moment, la fondation Carasso est la seule fondation à financer le projet « Mer de Liens ». Cependant, diverses fondations ont manifesté leur intention de soutenir les prochaines étapes du projet, et en particulier l’acquisition des navires de pêche.

Changer de paradigme : un travail de plaidoyer sur la répartition des quotas

Si, le projet « Mer de Liens » a pour but de favoriser l’installation de jeunes pêcheurs artisans pratiquant une pêche durable, c’est bien parce que le système de répartition des quotas de pêche empêche les jeunes pêcheurs de s’installer. Il est donc indispensable que le projet « Mer de Liens » s’accompagne d’un important travail de plaidoyer pour faire évoluer le système de répartition des quotas de pêche.

Dans le cadre de ce travail de plaidoyer, Pleine Mer fait actuellement partie d’un collectif d’association qui a déposé un recours juridique contre l’Etat Français, pour non respect du droit européen en matière de répartition des quotas de pêche. En effet, l’article 17 de la PCP stipule que les Etats européens doivent répartir les quotas de pêche entre les pêcheurs en respectant des critères sociaux, économiques et environnementaux. Or la fameuse clef de répartition des antériorités de capture favorise la pêche industrielle au détriment des pêcheurs artisans.

Un premier recours gracieux a été déposé en Juin 2023, auquel l’Etat français n’a donné aucune réponse. Nous avons donc déposé un recours devant le tribunal administratif aux cotés de Bloom, l’association des ligneurs de la pointe de Bretagne et la Plateforme Française de la Petite Pêche artisanale. Cette décision a été prise lors de l’assemblée générale de l’association, réunie pour l’occasion de 17 octobre dernier.

Nous espérons que ce recours en justice permettra de poursuivre le travail juridique entamé en 2017 par un collectif d’association emmené par Anne-Marie Vergez, et qui avait permis de faire condamner l’Etat en justice devant le tribunal administratif de Montpellier, pour non-respect du droit européen dans la répartition du quota de thon rouge.

Pour plus d’informations sur notre travail de plaidoyer en matière de répartition des quotas de pêche, nous vous invitons à lire notre communiqué de presse du 30 mai 2023.

Conclusion : nous aurons bientôt besoin de vous !

Afin de mettre en place ce beau projet et d’installer un premier pêcheur, nous lacerons notre première levée de fonds en 2024. Nous espérons que vous serez nombreux.se.s à prendre part à ce beau projet : malgré les crises successives, la pêche artisanale peut encore être un secteur d’avenir pour les pêcheurs qui souhaitent pratiquer une pêche artisanale durable ! Si vous souhaitez d’ores et déjà soutenir Pleine Mer dans la mise en place de ce projet, vous pouvez adhérer à l’association ou nous contacter sur association_pleine_mer@riseup.net.

Les membres de Pleine Mer remercient chaleureusement la fondation Carasso pour son soutien au projet « Mer de Liens ». Ce soutien nous permet de réaliser l’étude préalable du projet « Mer de Liens ». Cette étude conditionne l’ensemble du projet puisque ses résultats permettront d’établir les statuts juridiques des différentes structures portant le projet : c’est une étape absolument indispensable à la réussite du projet !

Les membres de Pleine Mer remercient chaleureusement l’association « Terre de Liens » et toutes les personnes de Terre de Liens qui nous soutiennent sur ce projet. Le travail de « Terre de Liens » est l’inspiration principale de ce projet et nous sommes ravis d’être accompagnés par « Terre de Liens » pour développe ce projet.

Les membres de Pleine Mer remercient également tous les partenaires impliqués dans le projet, et également Benoit Guérin qui réalise un travail conséquent et ne compte pas ses heures pour que ce projet aboutisse.

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