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Le projet « Mer de Lien » : comment soutenir l’installation de jeunes pêcheurs artisans durables ?

Le projet « Mer de Lien » : comment soutenir l’installation de jeunes pêcheurs artisans durables ?

En 2022, Pleine Mer a lancé le projet « Mer de Lien », grâce au généreux soutien de la fondation Carasso. Qu’est-ce que le projet « Mer de Lien » ? On vous en dit un peu plus dans cet article.

Pleine Mer est actuellement en plein lancement d’un nouveau projet : «Mer de Lien». Ce projet a pour objectif de répondre à la problématique suivante : « comment améliorer la transmission entre le pêcheur retraité et le jeune pêcheur tout en évitant l’accaparement des quotas de pêche par les entreprises de pêche industrielle ? »

Finalement, pour encourager la pêche durable, est-ce qu’on ne pourrait pas soutenir l’installation de jeunes pêcheurs pratiquant une pêche durable ? Bien sûr, la problématique de la pêche durable est bien plus complexe, mais nous pensons que ce projet propose une solution extrêmement concrète pour faire face aux crises qui touchent actuellement la filière pêche française.

En France un quota est alloué directement à un bateau, ce qui permet aux industriels de racheter des bateaux de pêche afin d’obtenir plus de quotas. Ce système de répartition des quotas qui associe un quota à un bateau permet en réalité un rachat de quota, voir une spéculation, ce qui est extrêmement problématique : certains bateaux âgés de plus de 30 ans valent des centaines de milliers d’euros, du fait des quotas qui leur sont attribués.

Le système de répartition des quotas de pêche français réside aussi sur un autre principe : la clé de répartition des quotas est basée sur la méthode des antériorités de capture. Ce principe de répartition se réfère à des années de référence. Si le bateau a bien pêché une certaine espèce pendant ces années de référence, alors il aura beaucoup de quota pour cette espèce. Au contraire, si le bateau a mal pêché pendant les années de référence alors il obtiendra moins de quota.

Grâce à ce système, les pêcheurs industriels accaparent toujours plus de quotas pendant que les pêcheurs artisans obtiennent de moins en moins de quotas de pêche. Ce problème s’illustre parfaitement sur une espèce emblématique : le thon rouge, dont les quotas sont accaparés à plus de 90% par les industriels de la pêche. Si bien que les pêcheurs artisans ont décidé d’attaquer l’État en justice pour injuste répartition des quotas de thon rouge. Les pêcheurs artisans ont même gagné le procès, mais l’État a malheureusement fait appel de cette condamnation, qui remet en cause l’ensemble du système de répartition des quotas de pêche en France. 

Les pêcheurs artisans ont récemment fait condamner l’Etat français en justice pour sa répartition des quotas de thon rouge.

A gauche sur l’image, Benoît Guérin, qui travaille actuellement avec Pleine Mer sur le projet «Mer de Lien».

(Crédits photo : Hélène Scheffer)

Il reste nécessaire de permettre aux jeunes pêcheurs de s’installer dans le système actuel, d’autant que ce système engendre un vieillissement de la flotte. En effet, puisque les quotas sont attribués à des bateaux qui sont déjà dans la flotte, il est donc très difficile de faire construire un bateau neuf et d’obtenir des quotas pour ce bateau. La flotte de France métropolitaine a aujourd’hui une moyenne d’âge de 28 ans c’est-à-dire qu’un un jeune pêcheur achète généralement un bateau construit dans les années 90, ce qui pose évidemment un problème de sécurité en mer, à cause d’un outil de travail inadapté à l’évolution du métier.

Pleine Mer souhaite remédier à tous ces problèmes grâce au projet «Mer de Lien» qui s’inspire de la foncière Terre de Liens. Cette structure permet à des jeunes agriculteurs durables de s’installer, puisque la foncière rachète des terres grâce à un financement participatif citoyen. Ce projet met donc un frein aux industriels de l’agriculture, qui ne peuvent plus accaparer l’ensemble des moyens à produire. Nous souhaitons faire exactement la même chose, mais avec des bateaux de pêche, pour installer des jeunes pêcheurs durables tout en empêchant les industriels de la pêche d’accaparer les quotas et de spéculer sur la ressource.

La première étape de ce projet a été réalisée lors d’un stage, lors duquel Manon Plouchart, élève de Master 2 à l’école d’Agronomie de Montpellier a réalisé l’étude suivante : « Quelles sont les étapes du parcours d’installation d’un jeune pêcheur, et les conséquences en termes de transmission des entreprises de pêche ».

Cette étude illustre l’urgence de construire une structure juridique capable d’acheter les bateaux et d’y installer des jeunes pêcheurs grâce à un financement reposant sur de l’épargne citoyenne. L’objectif principal du projet «Mer de Lien» sera donc de permettre l’installation de jeunes pêcheurs durables, qui devront faire face aux nouveaux défis de la filière pêche : changement climatique et effondrement de la biodiversité. Cette étude était une première étape et nous a permis de comprendre parfaitement le parcours du combattant auquel doit faire face chaque pêcheur qui souhaite s’installer. Comprendre ce parcours est indispensable pour être en mesure de soutenir les pêcheurs artisans pendant toute la durée de leur parcours d’installation.

Nous avons ensuite participé à divers appels à projet, afin de rechercher des fonds pour financer le lancement de ce projet. En juin 2022 nous avons appris avec joie que la Fondation Carasso avait décidé de nous financer sur ce projet et nous avons donc pu lancer une étude préalable pour évaluer tous les éléments nécessaires à la mise en place du projet. En effet, nous devons être sûres de la structure juridique et légale que nous choisissons pour acheter les bateaux de pêche.

La fondation Carasso soutient Pleine Mer sur le projet « Pêche Locale » mais aussi sur le projet « Mer de Lien ».

Benoît Guérin, consultant en gestion des pêches, travaille actuellement sur cette étude préalable, dont les résultats seront disponibles en septembre 2023. Nous pourrons ensuite passer dans la phase de développement de la structure qui portera le projet « Mer de Lien ». En effet, deux possibilités sont envisageables : soit Pleine Mer porte pleinement le projet et agit comme tiers de confiance entre les financeurs citoyens et les pêcheurs artisans en installation ; soit il est nécessaire de créer une structure indépendante pour récolter les fonds et financer l’achat des navires de pêche. L’étude permettra de déterminer la solution la plus adaptée, sans se cantonner au secteur de la petite pêche artisanale : nous étudions toutes les possibilités, dans tous les segments de flottille.

Une fois cette problématique résolue, nous pourrons ensuite acheter un premier bateau et installer un jeune pêcheur artisan. Nous évaluerons ensuite la réussite de cette première installation. Si le projet fonctionne correctement, nous pourrons alors continuer à acheter d’autres navires de pêche et lancer l’installation d’autres pêcheurs artisans.

En parallèle du lancement de ces nouvelles installations, nous réaliserons aussi un travail de plaidoyer afin d’informer les dirigeants politiques, les citoyens et les pêcheurs sur la problématique de la répartition des quotas en France. En effet le projet « Mer de Lien » ne va pas résoudre à lui tout seul le problème de la concentration des quotas. Il est donc indispensable de travailler avec le législateur pour faire évoluer les lois qui gouvernent la répartition des quotas de pêche. L’objectif de ce travail de plaidoyer sera le suivant : une juste répartition des quotas, et un processus de répartition transparent, en faveur de la petite pêche artisanale, comme le stipule l’article 17 de la Politique Commune des Pêches.

Le profil de Benoît Guérin nous a paru tout à fait adapté à ce projet. En effet, Benoît a travaillé dans le secteur des ONGs, mais aussi au sein des institutions de la pêche française et européenne, et il est lui-même marin-pêcheur en parallèle de son travail de consultant pour diverses associations et structures. Benoît a donc le profil parfait pour réaliser l’étude qui déterminera la suite du projet « Mer de Lien ».  

Nous avons peu communiqué sur le projet pour l’instant, mais le journal Le Marin nous a gratifié d’un bel article à propos du projet « Mer de Lien ». Si vous êtes pêcheur en activité et que le projet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter en cliquant ici.

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